Modeste
contribution à un débat compliqué sur l’intensité éminemment subjective du
ressenti procuré par la méditation.
Notre
monde occidental est trépidant et stressant, il exige toujours plus de notre
part, il nous lessive et nous vide de notre substance. Or chacun, à un moment
ou à un autre de sa vie, aspire au calme et à la sérénité. Paradoxalement,
l’hyper matérialisme de nos sociétés nous ramène inexorablement vers la quête
de sens et la recherche spirituelle. Dans ce contexte, les techniques de
développement personnel voient un boulevard s’ouvrir à leurs pieds.
La
méditation a le vent en poupe, elle aide à gérer le stress quotidien, elle
donne accès à un relatif mieux-être, à défaut d’un total bien-être.
Techniquement, elle consiste à se relaxer et faire le vide intérieur, s’ensuit
alors mécaniquement un sentiment de calme et de plénitude que quiconque peut
atteindre avec un petit peu de pratique. Le ressenti de cette expérience est
généralement très positif.
Un
peu plus poussée, la méditation s’accompagne de sentiments très variables tels
que celui d’être traversé par une spirale d’énergie, des sentiments d’une joie
infinie, d’amour, de paix et de compassion ou de visions mystiques,
paranormales ou magiques, d’extase. Puis elle procure le sentiment d'une
présence ou d'une vérité universelle. On parle alors parfois d’éveil de la
conscience, d’états transcendants ou d’états altérés de la conscience. Ces
expériences semblent bel et bien réelles pour les personnes qui les vivent, mais
chacun les interprète de manière personnelle, selon sa culture ou son système
de croyances.
L’Occident
s’est emparé de cette technique ancestrale, comme il le fait pour toute chose,
c’est-à-dire goulûment, avidement. Les mouvements spirituels se sont ainsi
développés depuis l’Orient vers l’Occident avec un grand succès. Chacun d’entre
eux tente d’expliquer en quoi sa méthode est spécifique et meilleure que celle
de son voisin, si possible unique au monde. Mais le bouddhisme, l’hindouisme et
le soufisme proposent ces techniques depuis toujours ou presque.
Babuji
a créé la méthode du Sahaj Marg vers 1945, une technique simplifiée et
accélérée issue du Raja Yoga, grâce à un guide qui accompagne le chercheur
spirituel dans sa méditation sur le cœur et lui transmet l’énergie divine. Bien
qu’ils s’en défendent, les abhyasis de la SRCM colportent l’idée que cette
méthode est unique, la meilleure, celle qui procure l’expérience spirituelle la
plus intense le plus rapidement. Pour eux, le Sahaj Marg constitue LA voie
spirituelle par excellence.
Lalaji,
le prédécesseur et maître déclaré de Babuji, disait que c’est le maître (guide
spirituel) qui fait tout le travail une fois que le disciple s’est abandonné
entre ses mains. Chari, le successeur autoproclamé de Babuji, dit que le
précepteur est au service du maître, il est son canal pour toucher des milliers
d’abhyasis et leur transmettre l’énergie divine. Mais avec plus de 3 000
précepteurs, parfois nommés par téléphone au bout de quelques jours de pratique,
la qualité du canal s’est considérablement appauvrie, parfois tarie.
Aujourd’hui, la plupart des adeptes de la SRCM n’éprouvent ou ne ressentent
rien de plus que ce procure n’importe quelle autre technique de méditation.
Au
Sahaj Marg, la méditation procure donc un sentiment de mieux-être, c’est un
fait indéniable, même si son intensité est très variable. Quand le guide
spirituel est bon (maître ou précepteur), l’intensité du ressenti est forte et
marque durablement les esprits. A la SRCM, on a coutume de dire que c’est dû à
la qualité de la transmission, sous entendu grâce aux qualités spirituelles du
guide. Mais ne serait ce pas dû plutôt au préjugé favorable de l’abhyasi envers
son guide, ceci instaurant une confiance préalable propice à un abandon plus total,
et donc d’emblée à un résultat plus intense ? Quand le ressenti est ainsi
très intense, on a coutume de dire à la SRCM qu’on s’est approché de la Région
centrale, de la fusion avec le Divin, un Saint Graal que l’on fait miroiter à
tous. Il est brandi comme l’objectif ultime, indéfini parce qu’indéfinissable,
mais à la portée de tous puisque les full précepteurs montrés en exemple l’ont
soi-disant atteint.
Plus
le ressenti est intense, plus la phase de descente qui le suit l’est aussi,
tout comme dans l’usage de stupéfiants. L’adepte de la SRCM passe ainsi d’une
phase de plénitude à une phase d’abattement et de dépression sévère en un cycle
permanent que la SRCM a coutume d’expliquer par la réouverture de blessures
inconscientes que tout être humain porterait en lui.
Quand
l’intensité du ressenti est faible ou qu’elle n’est pas à la hauteur des
attentes, on a coutume de dire à la SRCM que l’adepte était dans une mauvaise
condition : amour pour le maître insuffisant, nettoyage ou travail sur le
caractère insuffisants, etc. La coutume de la SRCM culpabilise alors l’adepte
parce qu’il n’aurait pas fait assez d’efforts pour être dans la bonne
condition.
Pour
ma part, j’ai médité à la SRCM seule et avec deux précepteurs principaux. Le
premier était imbu de sa personne et m’horripilait, je n’ai jamais rien
ressenti d’autre avec lui qu’un sentiment de rejet non maîtrisable. J’ai tout
fait pour en changer et découvert un second précepteur que j’avais choisi parce
que notre contact était bon, mais il n’était apparemment pas un très bon canal
vu que je n’ai jamais été transportée. Mais que n’ai-je pas entendu alors quand
je tentais d’expliquer dans mon centre mon faible ressenti, le groupe m’a
renvoyée à ma condition, mon manque de travail sur moi-même, j’étais la seule
responsable, coupable. Il m’est arrivé épisodiquement de méditer avec d’autres
précepteurs lors de rassemblements et, ô miracle, là tout se passait bien,
l’expérience était merveilleuse. Depuis mon départ, je continue de méditer
seule et parfois aussi avec des guides qui n’ont rien à voir avec la SRCM. J’ai
vécu des expériences de toutes intensités, depuis rien jusqu’au merveilleux,
seule comme accompagnée.
Le
Sahaj Marg offre donc une prestation gratuite du même ordre que les autres
techniques de méditation, mais contrairement à nombre d’instituts de
développement personnel, la SRCM livre cette technique accompagnée d’un mode
d’emploi contraignant et inévitable, d’une grille de décryptage directement
issue de son système de croyances. A la SRCM, on ne peut méditer selon le Sahaj
Marg sans adopter sa culture et sa philosophie, et celle-ci explique aussi bien
l’absence de ressenti que ses intensités les plus fortes ou ses moments de
dépression. Elle fournit aussi bien la méthode que les clés d’interprétation
des échecs et des succès, ne laissant rien dans l’inconnu pour ne jamais
laisser l’adepte seul réfléchir sur son expérience. Pratiquez cette méditation
avec un autre système de croyances, un autre cadre de lecture, et vous
parviendrez à de toutes autres conclusions que celles que vous impose la SRCM.
Généralement,
l’expérience méditative est donc au rendez-vous, même si son intensité peut
varier, échec et succès sont expliqués. En revanche, son aspect spirituel est
moins évident, il est affaire de croyances. La SRCM a coutume de dire qu’il
s’agit de la transmission de l’énergie divine du maître vers l’adepte, parce
qu’il faut méditer sur l’amour du maître et son souvenir constant. Une
véritable quête spirituelle consiste à partir à la recherche de son Dieu
intérieur par l’introspection et la méditation. A la SRCM, il s’agit d’un Dieu
extérieur dans le meilleur des cas, du maître ou du précepteur plus
vraisemblablement. A chacun sa quête du divin.
Je
sais pertinemment que je vais en hérisser plus d’un avec de tels propos. Je
n’ai sûrement pas fait tout le tour du sujet, j’en suis bien consciente. Je ne
prétends pas détenir LA vérité, ceci constitue MA vérité en cet instant. A
chacun la sienne, le débat est plus que jamais ouvert.
Michael
a souvent des avis que j’apprécie énormément parce qu’ils m’aident à réfléchir
et progresser. Je serais très heureuse d’avoir sa contribution sur ce sujet
précis de l’expérience spirituelle. C’est un appel à contribution, merci à
4d-Don de lui relayer ma demande s’il ne lit pas ces lignes.
Elodie