On ne peut que constater l'analogie très forte qui existe entre l'amour pour Chari et l'addiction aux drogues dures. L'adepte se porte à merveille quand il est auprès de son gourou, il est dans un état proche de la béatitude. Quand il s'en éloigne, le plus doux des individus se transforme en personne agressive : il devient fébrile, hypersensible, à fleur de peau. Comme un drogué en état de manque !
Voilà qui devrait faire réfléchir des abhyasis qui croient trouver le bien-être dans la spiritualité.
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Martin a dit...
Merci de votre compassion.
Vous me demandez plus de détails… en voilà donc, dans la limite de mes possibilités actuelles.
C’est, (ou c’était …) une personne de nature particulièrement douce, posée, délicate, et attentionnée
Elle est revenue de Vrads nerveuse, agressive et parfois même vulgaire.
Quelque temps plus tard elle me confiait que le départ de Vrads lui avait été très difficile : « je ne pouvais pas quitter chari, je pleurais… »
Je souligne l’omniprésence de la pratique en termes de temps et d’énergie : l’énergie se développe là où on la met et en demande toujours plus, c’est un facteur d’accélération de l’addiction qui s’auto génère sans fin.
Au début il lui arrivait de s’abstenir ponctuellement de quelques réunions, puis elle en a été de moins en moins capable.
Notre vie était donc marquée par les rituels de la mission ; il y avait les jours avec et les jours sans et ce n’étaient pas les mêmes. Entre nous grandissait résolument ce qui nous opposait, ce qui nous séparait.
Les fonctions de précepteur c’est encore plus de temps que pour un simple adepte, c’est aussi plus d’argent : location de la salle, bouquins, voyages et séminaires…
Son statut rajoutait au malaise et je lui reprochais aussi son insouciante responsabilité d’attirer des innocents dans ce piège.
Elle supportait mal ces discussions, elle se sentait agressée et se caparaçonnait derrière des réponses soit négatives : « tu ne peux pas savoir…tu ne sais pas de quoi tu parles…il faut pratiquer pour comprendre… », soit extravagantes sur l’origine de l’homme, l’énergie divine, la « rienté », les dogmes de la mission, etc.…
J’ai testé les sittings à 2 ou 3 reprises, mais malheureusement pour elle il ne s’est rien passé.
J’en savais beaucoup plus qu’elle sur cette secte ; bien que précepteur, elle s’est toujours contentée du seul ressenti et ne s’est jamais posée la moindre question sur la réalité de cette organisation, ses origines, ses buts et ses pratiques…Elle achetait les bouquins qu’elle ne lisait même pas. Ce questionnement la dérangeait ; en fait elle s’interdisait toute remise en cause, mais je pense surtout qu’elle en était psychologiquement incapable, victime d’un conditionnement et d’une emprise qu’elle ne pouvait pas soupçonner.
Cette situation était désagréable pour tous les deux car notre communication était remarquablement bonne sur tout autre sujet. Quand je dis « qu’elle essayait » c’est que je percevais par moments des efforts manifestes pour essayer d’entendre ce que je lui disais. Parfois ce malaise se voyait même physiquement. Sur son initiative, nous avons rencontré ensemble une amie à elle qui méditait occasionnellement à la srcmTM, pour une discussion sur ce thème. Pendant que mes réserves et critiques trouvaient une oreille plutôt attentive auprès de cette personne, mon amie se défigurait littéralement; j’ai été très choqué de voir son visage physiquement transformé, méconnaissable, pendant quelques minutes, expression probable d’une douleur insurmontable.
Nous avons arrêté les débats et elle est repartie sur le conseil de son amie d’aller consulter un psy…
Les dégâts de cette addiction ne sont pas flagrants vus de l’extérieur. Mais dans mon cas, l’avoir connue avant qu’elle ne rencontre cette organisation et après, pendant 10 ans, intimement, m’a permis d’observer les mutations de ses comportements dans la durée.
Au début peu, puis de plus en plus de changements d’humeur, de fébrilités, d’attitudes parfois infantiles, d’hypersensibilité.
Apparition des mensonges pour justifier des départs ou déclaration quelques jours avant des voyages en Inde réservés depuis plusieurs mois.
Investie d’une « mission » divine, le devoir de service du gourou, expression d’une obéissance totale et idolâtre, détruit peu à peu tout ce qu’il y a autour sans discernement.
Je sais bien que l’on ne peut pas changer les gens, à plus forte raison ceux que l’on aime.
Mais c’est bien parce que je m’opposais aux changements programmés de la srcmTM que j’essayais de l’aider.
Martin
Retrouvez l'intégralité du témoignage de Martin, à lire ici.
8 commentaires:
comparer le lien entre adepte et gourou à une drogue est une appréhension intéressante des choses; peut-on parler d'une addiction psycho-sociale ? un travail d'étude pour les sociologues ou la psychologie sociale ?
Salut ...
Merci Martin ...
Don
Il me semble avoir déjà fait cette analogie avec la drogue. Mais la remarque de Léa sur la psychologie sociale me fait penser à autre chose. J’ai déjà dit tout le mal que je pensais de la pensée tronquée de nos amis sociologues qui n’envisagent les sectes que sous l’angle de nouveaux mouvements religieux et ce qu’ils apportent à notre société, sans se préoccuper de leur organisation interne.
Il est une discipline scientifique, déjà assez ancienne, qui s’est spécialement intéressé à la relation groupe-leader, c’est la psychologie des foules de Gustave Lebon et de ses successeurs, tel Serge Moscovici.
A l’inverse de l’individu, la foule y est présentée assez négativement. Irrationnelle et versatile, l’âme des foules est de nature psychopathologique et soumise à des croyances par nature dogmatiques et utopiques. Elle n’a de cesse de se chercher une idole et des boucs émissaires.
Dans cette théorie scientifique, le meneur lui donne un but (idéal), soude le groupe et organise son action. Toutes les explications de ce phénomène d’influence du leader sur la foule ont recours au mécanisme de la suggestion. Lebon parle du prestige du meneur et de son hypnose de la foule. Gabriel Tarde parle de suggestion de la part du leader et d’imitation par la foule qui l’admire, en quête d’un modèle. Freud l’explique à l’aide des hypothèses psychanalytiques, par le principe d’identification, dans une composante amoureuse la foule déracinée recompose la figure du père. Weber parle de charisme du meneur.
Gustave Lebon – Psychologie des foules, 1905 (Formes religieuses que revêtent toutes les convictions des foules, pp. 45-48) - Extraits :
« Nous avons montré que les foules ne raisonnent pas, qu'elles admettent ou rejettent les idées en bloc ; ne supportent ni discussion, ni contradiction, et que les suggestions agissant sur elles envahissent entièrement le champ de leur entendement et tendent aussitôt à se transformer en actes. Nous avons montré que les foules convenablement suggestionnées sont prêtes à se sacrifier pour l'idéal qui leur a été suggéré. Nous avons vu aussi qu'elles ne connaissent que les sentiments violents et extrêmes, que, chez elles, la sympathie devient vite adoration, et qu'à peine née l'antipathie se transforme en haine. (…)
Quand on examine de près les convictions des foules, aussi bien aux époques de foi que dans les grands soulèvements politiques, tels que ceux du dernier siècle, on constate, que ces convictions revêtent toujours une forme spéciale, que je ne puis pas mieux déterminer qu'en lui donnant le nom de sentiment religieux.
Ce sentiment a des caractéristiques très simples : adoration d'un être supposé supérieur, crainte de la puissance magique qu'on lui suppose, soumission aveugle à ses commandements, impossibilité de discuter ses dogmes, désir de les répandre, tendance à considérer comme ennemis tous ceux qui ne les admettent pas. Qu'un tel sentiment s'applique à un Dieu invisible, à une idole de pierre ou de bois, à un héros ou à une idée politique, du moment qu'il présente les caractéristiques précédentes il reste toujours d'essence religieuse. Le surnaturel et le miraculeux s'y retrouvent au même degré. Inconsciemment les foules revêtent d'une puissance mystérieuse la formule politique ou le chef victorieux qui pour le moment les fanatise.
On n'est pas religieux seulement quand on adore une divinité, mais quand on met toutes les ressources de l'esprit, toutes les soumissions de la volonté, toutes les ardeurs du fanatisme au service d'une cause ou d'un être qui devient le but et le guide des pensées et des actions.
L'intolérance et le fanatisme constituent l'accompagnement nécessaire d'un sentiment religieux. Ils sont inévitables chez ceux qui croient posséder le secret du bonheur terrestre ou éternel. (…)
Les convictions des foules revêtent ces caractères de soumission aveugle, d'intolérance farouche, de besoin de propagande violente qui sont inhérents au sentiment religieux ; et c'est pourquoi on peut dire que toutes leurs croyances ont une forme religieuse. Le héros que la foule acclame est véritablement un dieu pour elle. Napoléon le fut pendant quinze ans, et jamais divinité n'eut de plus parfaits adorateurs. Aucune n'envoya plus facilement les hommes à la mort. Les dieux du paganisme et du christianisme n'exercèrent jamais un empire plus absolu sur les âmes qu'ils avaient conquises.
Tous les fondateurs de croyances religieuses ou politiques ne les ont fondées que parce qu'ils ont su imposer aux foules ces sentiments de fanatisme qui font que l'homme trouve son bonheur dans l'adoration et l'obéissance et est prêt à donner sa vie pour son idole. (…)
Aujourd'hui la plupart des grands conquérants d'âmes n'ont plus d'autels, mais ils ont des statues ou des images, et le culte qu'on leur rend n'est pas notablement différent de celui qu'on leur rendait jadis. On n'arrive à comprendre un peu la philosophie de l'histoire que quand on est bien pénétré de ce point fondamental de la psychologie des foules. Il faut être dieu pour elles ou ne rien être. (…)
Aussi est-ce une bien inutile banalité de répéter qu'il faut une religion aux foules, puisque toutes les croyances politiques, divines et sociales ne s'établissent chez elles qu'à la condition de revêtir toujours la forme religieuse, qui les met à l'abri de la discussion. L'athéisme, s'il était possible de le faire accepter aux foules, aurait toute l'ardeur intolérante d'un sentiment religieux, et, dans ses formes extérieures, deviendrait bientôt un culte. »
Serge Moscovici – L’âge des foules, 1985 (Les religions profanes, pp. 467-476) - Extraits :
(Moscovici traite ici essentiellement des partis politiques et s’appuie notamment sur l’exemple du parti communiste russe, ce qu’il appelle une religion profane).
« Jusqu'ici, nous avons envisagé les meneurs pour autant qu'ils ont un charisme. Nous les avons définis comme la réunion de deux personnages en un seul : ombre portée du père fondateur et du fils héroïque. Mais ces ombres sont attachées à une doctrine, à un but qu'elles se sont fixé pour mission de réaliser. (…)
D'autre part, la psychologie des masses nous a appris que les meneurs ne peuvent accomplir leur mission sans recruter des individus momentanément détachés de leur groupe habituel. Ceux-ci forment l'embryon d'une foule. Ils subissent l'ascendant d'un chef qui transforme leur rencontre en une organisation stable. L'Église et l'armée, ce fut l'audace d'un Tarde et surtout d'un Freud de le reconnaître, sont le modèle de toute foule de cette nature. Le parti est la traduction de l'une et de l'autre dans une société comme la nôtre qui ne régit plus la tradition familiale, locale et aristocratique. En un mot, les partis sont à la fois les Églises et les armées de l'âge des foules. (…)
Le caractère commun à toutes ces foules artificielles, la preuve de leur bonne santé, demeure toujours et partout un système de croyances. Il les cimente, les tient ensemble et leur permet de mobiliser les hommes jusqu'à leur demander le sacrifice de leur vie. Un meneur ne saurait fonder et diriger un tel parti, nécessaire à sa tâche, s'il ne possède pas un tel système. Car les masses n'agissent que mues par une croyance - et les croyances n'existent que par les masses. Le prophète est devenu l'archétype du leader contemporain précisément pour cette raison : il faut qu'il suscite une foi robuste autour de lui.
Or l'exemple et la forme la plus achevée d'un système de croyances est la religion. (…)
Elles comportent un dogme, des textes sacrés auxquels on obéit, des héros ayant qualité de saints.
De plus, une telle religion profane répond strictement à certaines nécessités psychiques - le besoin de certitude, la régression des individus dans la masse, etc. - et à rien d'autre. (…)
Examinons de plus près une telle religion, en laissant de côté ses manifestations spectaculaires, que nous avons déjà décrites. Quelles en sont les fonctions ? La toute première est de composer une vision totale du monde, qui pallie le caractère fragmentaire et divisé de chaque science, de chaque technique et de l'a connaissance en général. Il existe, dans le tréfonds de la nature humaine, un besoin élémentaire d'harmoniser, au sein d'un ensemble parfait, tout ce qui, dans notre expérience, nous semble incompatible et inexplicable. Lorsque nous ne possédons plus de principes simples, de modèle unique pour expliquer ce qui se passe en nous et autour de nous, nous nous sentons menacés. Pire : réduits à l'impuissance, en face de la diversité des forces économiques, des problèmes psychiques et de la masse des événements incontrôlés. Ce défaut de cohérence nous empêche de participer à une action sociale définissable. Il n'y a ni ordre ni sécurité possible pour les individus dans une société où le nombre de questions excède le nombre de réponses. (…)
Certes le savant ou le technicien peuvent s'accommoder de ce morcellement, accepter l'oscillation perpétuelle entre des solutions contradictoires et l'incertitude des vérités éphémères. Mais l'homme, dans sa vie ordinaire, le rejette. Il est avide de certitudes solides, de vérités immuables. (…)
Par essence, les religions profanes lui fournissent une telle vision totale. Elles offrent une conception du monde où chaque problème rencontre sa solution. (…)
Toutes les religions sacrées proposent une conception du monde physique. Elles expliquent l'origine de l'univers et prévoient son avenir. Par contre les religions profanes se constituent autour d'une vision du monde social. (…)
Seules les religions (et leurs partis missionnaires) peuvent encore susciter de tels attachements. Elles amènent les individus à accepter dans leur for intérieur ce que la collectivité exige d'eux. (…)
Les religions reconnaissent l'aspiration au bonheur, le besoin de protection que les hommes éprouvent depuis l'enfance. Après avoir peint sous les couleurs les plus sombres les forces qui les menacent, elles proposent une solution. (…)
Ce sont donc des religions de l'espoir. Elles garantissent aux hommes qu'ils sortiront victorieux de la tourmente et définitivement, à condition de s'identifier avec l'idéal qui les dépasse et de respecter les prescriptions qu'elles édictent.
(…) dissimuler un mystère. Chaque religion a le sien. En son nom elle impose des règles et proclame des vérités sur lesquelles elle ne s'explique pas. Au contraire, elle jette sur leurs raisons des ombres épaisses et les dissimule de façon que nul ne les aperçoive. Tout est mis en oeuvre pour éviter un contact fortuit. Tout concourt à empêcher la révélation du secret ainsi dérobé à la vue du public des fidèles. Ce secret se présente tantôt comme une chose bénéfique, tantôt comme une chose maléfique. (…)
On peut affirmer que la plupart des foules artificielles - armées, Églises, partis - sont en rapport avec un tel mystère. Elles possèdent un ensemble de cérémonies, d'emblèmes, de mots de passe (songez aux francs-maçons !) qui le protègent et censurent toute tentative de le découvrir. Il sert à justifier la hiérarchie. L'individu qui en gravit les échelons s'approche de ce point sacré, les autres demeurent à distance. (…)
Les religions sont l'oeuvre des « fils », des successeurs du père fondateur d'un peuple ou d'une société déterminée. Elles les disculpent et les légitiment à la fois, en dissimulant leur crime au point que personne ne voit plus en eux ses auteurs. (…) »
Le phénomène sectaire, la Shri Ram Chandra Mission de Chari peuvent être examinés à l’aide des éléments que nous fournit cette discipline à la frontière entre psychologie et sociologie :
Adoration d'un être supposé supérieur, crainte de la puissance magique qu'on lui suppose, soumission aveugle à ses commandements, impossibilité de discuter ses dogmes, désir de les répandre, tendance à considérer comme ennemis tous ceux qui ne les admettent pas, besoin de certitude, régression des individus dans la masse, soumission de la volonté, ardeur du fanatisme au service d'une cause ou d'un être qui devient le but et le guide des pensées et des actions… inévitables chez ceux qui croient posséder le secret du bonheur terrestre ou éternel.
Tous les fondateurs de croyances religieuses ont su imposer aux foules ces sentiments de fanatisme qui font que l'homme trouve son bonheur dans l'adoration et l'obéissance et est prêt à donner sa vie pour son idole.
Les meneurs ne peuvent accomplir leur mission sans recruter des individus momentanément détachés de leur groupe habituel. Le prophète est devenu l'archétype du leader contemporain, il doit susciter une foi robuste autour de lui.
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